Voici l'entrée de deux personnages secondaires qui reviendront par la suite. Le rôle de l'un d'eux ne sera pas si "secondaire" que cela, à surveiller donc; certains éléments ne sont pas aussi anodins qu'ilpeut le sembler au premier abord.
Précédement :
Le capitaine Nadine Musalpa avait la réputation d’une femme forte et déterminée tout en étant réfléchie et posée. Agée d’une quarantaine d’années, elle était d’origine métissée comme son nom le laissait entendre. Ses talents de meneuse d’hommes lui avaient permis de monter progressivement en grade. Cela ferait bientôt deux ans qu’elle avait sous ses ordres une équipe de contrôle et d’intervention auprès des foules, plus connue sous le nom de CIF.
Tout en se rendant sur les lieux à bord de son véhicule blindé, elle avait pris connaissance de la situation. Les manifestants étaient peu nombreux et déjà bien circonscrits. Apparemment pacifiques, ils avaient déjà opté pour un sitting. En soi, ils ne représentaient pas une réelle menace, ni un grand défi pour Musalpa et ses hommes. Bien entendu ces écologistes pacifiques ne quitteraient pas les lieux sur une simple demande et il faudrait sans doute les évacuer un par un. Ils n’offriraient aucune résistance mais le nettoyage manuel des lieux prendrait un peu de temps puisque la violence et la force semblaient un mauvais choix pour gérer ce genre de situation. En visionnant sur son ordinateur la disposition des lieux, Nadine mettait déjà en place son plan d’action en positionnant ses diverses troupes. Il n’était pas question pour elle de piéger les activistes. Ceux qui voudraient partir devaient pouvoir le faire sans devoir s’opposer à ses troupes. Il fallait donc leur laisser une issue opposée à l’action répressive de ses hommes et pas trop proche des grilles universitaires. Mentalement Musalpa essayait diverses combinaisons.
Sa concentration fut perturbée par son agent de communication qui lui indiquait un appel prioritaire concernant la situation. Il s’agissait d’un représentant de la corporation Radon X. Ennuyée, Musalpa fit signe d’un geste qu’elle prenait l’appel. Une fenêtre s’ouvrit sur son large écran pour laisser apparaître le visage de son interlocuteur. Il s’agissait d’un homme de quelques années son cadet. Cheveux bruns gominés, costume cravate sobre, visage long et petits yeux de fouine, il déplaisait déjà au capitaine qui sentait les complications poindre à l’horizon.
- Capitaine, je suis monsieur Tiller, responsable des relations publiques de la société Radon X. Vous savez sans doute que cette manifestation est dirigée indirectement contre notre consortium et nos intérêts. Nous ne pouvons tolérer une telle aberration contre le moindre de nos intérêts, même mineur. Si nous laissons des anarchistes manifester au moindre mouvement d’un cartel, nous courons à la catastrophe. Les dirigeants de Radon X désirent montrer que nous ne nous laisserons pas intimider et cette manifestation nous donne l’occasion d’affirmer cette volonté. Nous souhaitons donc que vous vous montriez convaincante.
Musalpa fronça ses fins sourcils noirs, signifiant chez elle sa désapprobation. Elle détestait le ton péremptoire de ce jeune freluquet de bureau qui se permettait de donner des ordres à un officier de police. Elle l’aurait bien remis à sa place, mais elle ne pouvait pas se le permettre. Les consortiums nucléaires étaient puissants dans la Fédération et Radon X était des dominants. Cependant, elle n’entendait pas se laisser dicter sa conduite. Elle prit la parole avec fermeté.
- Je ne pense pas que ce petit groupe soit une réelle menace pour Radon X monsieur Tiller, ni même que leur sitting d’aujourd’hui n’altère en quoi que ce soit les accords que vous pouvez avoir avec l’université Descartes.
- Il ne s’agit pas de cela, madame.
Tiller avait volontairement omis le titre de capitaine afin de l’abaisser. Bien entendu, Nadine avait relevé la manœuvre.
>> Mais de donner une leçon à toutes ces personnes qui soutiennent indirectement le terrorisme écologique qui, vous n’êtes pas sans le savoir, est en pleine recrudescence ces dernières semaines.
- Je peux comprendre cela, Tiller.
Musalpa se permettait au passage de rendre la pareille à son interlocuteur.
>> Mais provoquer le massacre de pacifistes au milieu d’un campus universitaire, je ne pense pas que cela puisse en quoi que ce soit servir l’image de marque de votre société.
- Qui a parlé de massacre ? Nous voulons juste que vous procédiez à une arrestation musclée d’une bonne partie de ces manifestants au nom du respect et de la liberté des transactions économiques.
- Je ne prendrai pas ce risque alors que la situation peut être réglée calmement. Je suis persuadée que mes supérieurs approuveront ma décision monsieur Tiller.
- N’en soyez pas si sûre, Radon X a le bras long, capitaine.
Cette fois, l’homme aux yeux de fouine avait insisté lourdement sur le grade de Musalpa. Il menaçait clairement la carrière de la femme policière. Musalpa n’était pas arrivée à ce poste sans un brin d’intelligence et elle savait se protéger lorsqu’il le fallait. Un simple compromis serait suffisant.
- J’opérerai selon ma conscience, monsieur Tiller. J’éviterai toute violence inutile tout en vous obtenant un quota suffisant d’arrestations. A présent je dois vous laisser, car comme vous le savez, j’ai du travail qui m’attend.
Sans attendre une réponse du représentant de Radon X, le capitaine Musalpa coupa la communication. La fenêtre disparut de son moniteur, révélant à nouveau la carte du lieu d’action où elle serait dans quelques instants. Nadine fulminait intérieurement et rageait d’avoir dû céder du terrain face à ce petit prétentieux. Mais elle n’avait pas le choix et ne pouvait se permettre de risquer une rétrogradation. Les études de son aîné coûtaient chers et une diminution de salaire les rendrait difficile à financer. Sa décision compliquait une action douce, mais elle espérait malgré tout y arriver.
De son côté, Tiller était lui aussi mécontent. Mais que pouvait-il faire d’autre face à cette féministe masculinisée ? Il n’avait pas le temps de faire intervenir ses contacts pour influencer les supérieurs de cette capitaine en jupons. Il s’était laissé surprendre par cette manifestation inattendue et devait composer avec. Il ne doutait pas d’avoir son lot d’arrestations mais la douceur de Musalpa ne suffirait pas à mettre en garde ces écoterroristes qui menaçaient discrètement Radon X depuis quelques temps. Il fallait bousculer les choses et il savait comment s’y prendre. Il se mit aussitôt en relation avec les services de sécurité du Cartel pour confirmer l’envoi d’un contingent à l’université Descartes.
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à suivre ici, ou directement dans le roman le Dormeur,
tome 1 du Cycle de l'Eveil.
http://www.societedesecrivains.com/boutique2006/detail-15875-PB.html
ou :