L'ENTERREMENT DES ÉTOILES, magnifique.

Christophe Guillemain a publié aux Éditions Mnemos L’Enterrement des Étoiles.

Derrière la très belle illustration de couverture de l’allemand Abel Klaer se dissimule un très beau texte. En effet le style de Christophe est vraiment appréciable. Travaillé, il est très évocateur d’images et est intrinsèquement poétique.

Cette écriture s’harmonise parfaitement à son monde et les hommes et créatures qui y vivent, car l’histoire est belle, sortant des sentiers battus.

Comme l’a annoncé un mystérieux oracle au roi Jénophon, l’obscurité va fondre sur le monde et l’engloutir dans le néant à moins qu’un héros ne se lève pour le sauver des Chérubins destructeurs. Peut-être que celui-ci fait partie du cirque aux monstres de foire qui vient d’arriver en ville. Sous la direction de Todestre, l’équipée hétéroclite compte les histoires anciennes, celle de la création, mais aussi de la trahison et de la chute originelle.

Parmi les « freaks » se trouve Tristo, dit le Crabe du fait de ses difformités. D’une intelligence rustre, il incarne la force et la brutalité, même s’il n’est pas dépourvu d’une certaine empathie. Il partage – parfois – la couche de Nypha, une magicienne dont les pouvoirs d’illusions doivent demeurer secrets. Elle personnifie la manipulation, l’amour désuet et une certaine forme de regret. On pourrait ajouter à ce trio le candide de l’histoire : Ylias un muet au talent caché, ami du Crabe. Le groupe s’additionne de quelques autres personnages, dont l’obscur Matrifas, un vampire contorsionniste lié à l’ombre ; parfait dans le rôle de l’étrange recelant en lui menace, culpabilité et solitude. Je n’oublierai pas les deux enfants de cirque, tous deux frappées de l’errance, maladie a priori incurable qui métamorphoses peu à peu les êtres en arbres. La quête d’un remède est l’une des intrigues secondaires développées dans le récit.

L’errance est le sujet moteur d’un autre roman de Christophe : La Marche de l’Enfant-Saule à retrouver aux Éditions Kelach. Texte lui aussi très inspiré, personnages étranges, réflexion sur la maladie et la société où vous croiserez également la route de Todestre et de son cirque, bien avant leur incursion dans l’Enterrement des Étoiles. Un roman illustré par Nadia M.

Revenons à l’enterrement des étoiles : Christophe nous invite à partager le destin hors du commun de ces rejetés de la société. Un hymne à la différence, mais aussi une lutte pour la vie et la liberté face à l’oppression d’un gouvernement théocratique. Car le roi s’entoure de croyants aux ordres de la « Mère » qui font régner l’ordre, la loi et dénoncent les hérétiques, les impies ou les déviants. Yon et Laurenz sont deux de ces prêtres de la foi aussi différents physiquement que dans leur mentalité et leur perception des choses. En quête de l’élu qui sauvera le monde, ils tombent immanquablement sur le cirque et si l’un voit en ceux-ci un danger, l’autre y perçoit une issue.

Qui sait si la fin pourra être heureuse alors que les obstacles, les rancœurs et les menaces s’accumulent sur la route des saltimbanques ? Les révélations se feront en temps et heure, même si elles se dessinent peu à peu au cours du récit. Les étranges personnages aux dons si particuliers évoluent et pas toujours dans le sens que l’on espérait, un régal.

Ce monde fabuleux, croisé d’ombres, mais aussi de lumière, riche de bizarreries et de poésies, presque Tim Burtonien par moment et teinté de mélancolie ne pourra que vous séduire si vous êtes prêts à céder à son étrangeté et à ses personnages aux doubles visages.

Un petit regret tout de même, mais un classique chez beaucoup de grands mais aussi petits éditeurs : le livre n’est pas imprimé en France, mais en Bulgarie (beaucoup moins cher, mais plus couteux en CO₂)